C’est en regroupant des informations fournies par Marcel PIALOT, il y a quelques années, que j’ai commencé à m’intéresser aux activités du bois dans la commune autrefois, notamment à la fabrication de traverses de chemins de fer. La relation avec le transport par câble des troncs qui servaient de matière première n’était pas claire dans mon esprit. Roland avait quant à lui, des souvenirs d’enfant. A notre demande, Bernard qui a bien connu cette aventure, nous en a fait une description précise et passionnante, dont voici les principaux aspects

Origine du projet :

Dans les années 50, un exploitant forestier, M. BIEZ, originaire de Bordeaux [décédé entre 75 et 80 ans à Vébron] a voulu exploiter le riche massif forestier planté de fayards, vers le haut du ruisseau des Ablatats, vers Les Mottets ou les Caderels. Il n’avait pas les moyens financiers nécessaires, mais sa sœur, Mme MOULINET qui habitait dans les Landes, en a mis à sa disposition. M. BIEZ a donc pu acheter sur pied du bois au principal propriétaire forestier de l’époque, M. MAURIN qui était pasteur et le père de Mme GAUTHIER des Ablatats.

Pour descendre les troncs jusque vers le Prat Nouvel, il a installé un portage par câble [de type tricâble sur le modèle décrit dans l’étude d’Andrée CORVOL « Forêt et transports traditionnels », p. 46 à 50]. Les troncs arrivaient près de la maison actuelle de Bernard, et ils étaient déplacés à l’aide de petits wagonnets sur des rails posés sur des traverses métalliques, jusqu’à une scierie proche du garage actuel de David FAURE. Cette scierie débitait les troncs pour en faire des traverses de chemin de fer, expédiées à Florac par camion, puis à Bordeaux par train, avec transbordement des wagons à Sainte Cécile d’Andorge.

La scierie, construite sur un terrain de Jean ( ?) MEYNADIER, appartenait à M. CARLE. Elle comprenait une grosse scie à ruban actionnée par un puissant locotracteur à vapeur, chauffé avec les chutes de bois de coupe.

  • Disposition des câbles :

Le dispositif extraordinaire faisait entre deux et trois kilomètres.

« Le principe était « simple » : deux câbles parallèles et fixes étaient les porteurs sur plusieurs kilomètres. Le gros (30 à 32 mm de diamètre) portait les grumes couchées entre deux chariots. L’autre (16 à 22 mm) remontait les chariots vides, le ravitaillement, les outils. Le mouvement était transmis par un troisième câble, le tracteur, en boucle lui. De 12 à 16 mm, il était rendu solidaire des chariots pendant leur descente ou leur remontée. Trois câbles donc – d’où le nom de tricâble donné au système par les Pyrénéens mais quatre « fils » parallèles, 4 fils étant le nom du même outil dans les Alpes […]

Les troncs descendaient par gravité, mais il fallait surtout qu’ils ne descendent pas trop vite. C’était le chef câbliste qui avait la responsabilité de régler la marche de la lourde machine en manœuvrant le volant du frein, solide ruban d’acier revêtu de patins en bois frottant, à la demande, sur le bandage de cette poulie. Une boite de conserve pleine d’eau permettait de refroidir le système de frein  [1] »A Rousses, la poulie du bas était montée sur un « petit » moteur électrique alimenté en triphasé, provenant de la scierie BOUTEILLER [aujourd’hui maison WEIMA], seul endroit où il était disponible. La liaison entre les deux était assurée par des fils en aluminium mal isolés.

Les câbles étaient supportés en divers endroits par des dispositifs en bois de 6 à 7 mètres de haut, aujourd’hui presque entièrement disparus. La mise en place des câbles était difficile. Il y avait quelques spécialistes. L’un d’eux, M. DELMAS habitait dans la maison des VALETTE. Les câbles porteurs étaient très rigides. On utilisait des tendeurs manuels à manivelle. Un jour quelqu’un a perdu le contrôle et la manivelle est venue le frapper violemment au crâne. Une autre fois, le câble s’étant coincé, un chef d’équipe, M. CARMINATI [2], est allé le décoincer, en montant dans une nacelle. Voyant cela, son épouse affolée s’était mise à hurler. Lorsqu’un câble se cassait, il fallait faire des épissures. Marcel PIALOT était le spécialiste pour cela. De part et d’autre de ces câbles, il y en avait d’autre vers le haut du dispositif, qui servaient à rapprocher les gros troncs du point d’embarquement.

Les arbres étaient coupés manuellement, mais à la fin il y a eu une grosse tronçonneuse mécanique.

Le câble franchissant la D907, un tunnel de protection en bois d’une dizaine de mètres, assez solide selon Bernard, avait été construit au niveau du virage situé en dessous de sa maison actuelle. En effet, les troncs, supportés par des chaînes, se détachaient parfois en cours de route.

Ces activités employaient de nombreux ouvriers. Beaucoup étaient des républicains espagnols. Félix est arrivés à Rousses à cette occasion. Ils étaient hébergés dans toutes sortes d’endroits. C’était Maria, la grand-mère d’Elie COUDERC qui faisait leurs repas aux Ablatats. Il y avait un forgeron, et un affûteur qui entretenait les lames de la scie. Quand le patron partait, il y avait souvent des pannes, car dans ce cas, la paie des ouvriers était doublée !

Au bout de deux ans environ, l’activité a été reprise par la société Progil, car les traverses en fayard ne donnaient pas entière satisfaction, et leur coût de production était prohibitif. Cette nouvelle société transportait des troncs plus courts pour l’industrie du papier et/ou du chauffage. Elle privilégiait la rentabilité, et se souciait peu des dommages qu’elle causait, en laissant traîner des câbles un peu partout par exemple. Un des gérants, M. CASANOVA habitait St Jean du Gard. Le tunnel de protection avait été démonté, car peut-être moins nécessaire. Cette activité restait globalement très onéreuse, et lorsque les chemins forestiers ont fait leur apparition ouvrant la voie à de nouveaux moyens d’exploitation, elle a été condamnée à disparaître assez rapidement, après deux ans environ de fonctionnement..

De très nombreux arbres sont restés inexploités et ont été perdus, mais la forêt est aujourd’hui régénérée.

[1] « Forêt et transports traditionnels » textes réunis par Andrée CORVOL CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE INSTITUT D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE n°14 – 2004

[2] M. CARMINATI est resté en contact avec la famille ROUQUETTE jusqu’à l’an dernier. Il s’était installé en Charentes, où il avait monté une entreprise de meubles qui fournissait La Redoute.

Edité par Jean Paul Eymery –  Le 11/6/2022, chez Roland MOURGUES entre 17h et 19h. Etaient présents Bernard ROUQUETTE, Roland MOURGUES et Jean Paul EYMERY.

Ce film aurait pu être tournée sur la commune de Rousses. 

Pour descendre les troncs jusque vers le Prat Nouvel, un portage par câble a éte installé. Les troncs arrivaient près de la maison actuelle de Bernard, et ils étaient déplacés à l’aide de petits wagonnets sur des rails posés sur des traverses métalliques, jusqu’à une scierie proche du garage actuel de David FAURE. Cette scierie construite sur un terrain de Mr. MEYNADIER, appartenait à M. CARLE. Elle comprenait une grosse scie à ruban actionnée par un puissant locotracteur à vapeur, chauffé avec les chutes de bois de coupe débitait les troncs pour en faire des traverses de chemin de fer, expédiées à Florac par camion, puis à Bordeaux par train, avec transbordement des wagons à Sainte Cécile d’Andorge.

Extrait du film «  CHEMIN DE TRAVERSES «  de la cinématique de la SNCF. La version originale est disponible a l’adresse http://openarchives.sncf.com/archive/6003

Ce qui reste en 2022

Retrouvé le 23 avril 2023 par Héléne et Roland – Le portique du bas ( face aux Ablatas )