Le château de Rousses

Une plaque commémorative apposée sur un mur du château de Rousses indique que François de Pelet baron de Salgas a été “galérien pour la foy ” et que ce château fut rasé en le 3 juillet 1703.

Comme beaucoup de lieux dans les Cévennes, en l’an 1703, Rousses fut le théâtre d’événements tragiques.

En promulguant l’Edit de Nantes en 1598, le roi Henri IV avait permis que deux religions chrétiennes cohabitent dans le royaume de France. Son petit-fils Louis XIV, a révoqué cet Edit le 18 octobre 1685. L’application brutale de l’Edit de 1685 va compromettre gravement la paix civile en générant un sentiment de révolte et en provocant une  fuite hors de France de nombreux sujets.

Dans les Cévennes, une résistance s’organise. Cette résistance aura d’abord un caractère non violent, dans la clandestinité, pendant 17 ans de 1685 à 1702. De 1702 à 1705 environ aura lieu la révolte armée des camisards.

Dans le secteur de l’Aigoual, le chef camisard était Castanet né à Massevaques

François de Pelet baron de Salgas (1646 – 1717) avait de nombreuses propriétés dans la vallée du Tarnon, dont le château de Rousses. Comme beaucoup de bourgeois et de nobles nouveaux convertis ( N C ),  le baron de Salgas ne se déclarait pas pour les camisards, de peur de perdre ses biens. Par ailleurs, les autorités royales ne croyaient pas à son nouveau catholicisme. De gré ou de force, au début du mois de mars 1703, le baron assiste à vébron à un culte protestant présidé par Castanet, qui occupait le village avec sa troupe de camisards.

Le baron félicite Castanet et s’attarde parmi les camisards. Il oublie que cette lenteur prend l’aspect d’une complaisance.

Quelques jours plus tard, le 18 février 1703, Castanet et ses camisards reparaissent sur les terres du baron à Rousses, où se trouve un petit castel que ce gentilhomme n’habitait jamais, mais où il avait installé les Pontier, régisseurs du domaine. Salgas s’était seulement réservé dans cette demeure une chambre et un cabinet meublé où il s’arrêtait parfois.

Sous les murs de cette maison forte se trouvaient les masures ou les ruines de l’ancien temple détruit à l’époque de la révocation de l’Edit de Nantes. C’était le second jour de carême vers les 2 heures de l’après-midi. Castanet avait avec lui un détachement de 200 hommes armés à qui il fit faire l’exercice. Prenant ensuite une cinquantaine de camisards il se rend à Massevaques où il couche dans la maison de Jean, son frère, enrôlé aussi de sa troupe. Le reste du détachement est logé soit à  Massevaques, soit dans le château ou le village de Rousses. Dans le château, le régisseur Jacques Pontier reçoit une quinzaine de rebelles ” qu’il nourrit avec du pain et des châtaignes et ce qu’il eust dans la maison ” Pierre Pontier, son frère, en loge neuf auxquels il donne à manger et à boire, Durant cette même nuit et à 1 heure  du matin, le nommé Bourgade qui sans doute était ” prophète” préside une assemblé pour ses compagnons  et pour les gens de Rousses, dans la grande salle du château. Cette réunion dure deux heures et les psaumes sont chantés. Il n’y eut pas d’alerte et les assistants se retirent vers 3 heures du matin. Le lendemain, dimanche, Castanet, revenu à Massevaques préside à Rousses une autre assemblée ” sur les masures du temple qui est au-devant dudit château, la salle d’iceluy n’ayant pas été capable de contenir cette grande assemblé”. La réunion terminée, on amène cinq prisonniers, qui avaient passé la nuit dans la tour et les caves du château. Condamnés à mort par le tribunal des ” prophètes”, ils allaient être exécutés lorsque les assistants du service religieux, ayant eu pitié de ces pauvres gens catholiques, interviennent pour obtenir leur grâce. Trois furent épargnés, mais les deux autres furent finalement exécutés sur le causse de l’hospitalité. Castanet se retire le soir même avec sa troupe dans une direction inconnue.

Il est bien évident que le sieur Pontier n’avait pas dû accueillir les révoltés dans le château de son maitre de gaieté de cœur et que le baron qui habitait à Salgas, avait tout ignoré de cette réception et de cette assemblée dans ses murs, qui le compromettaient une fois de plus. Cependant, Salgas et Pontier n’auraient pas été en mesure de s’opposer à cette irruption camisarde.

L’hiver passe et voici un matin de mai 1703, une troupe royale vient se saisir de M. Salgas. Le gentilhomme est conduit au fort de Saint Hippolyte. Apres un procès tendancieux au cours duquel on utilise contre lui de faux témoignages, il est condamné aux galères, tous ses biens sont confisqués au profit du souverain. Les châteaux de Rousses et de Salgas sont rasés. Le château de Salgas actuel date du 18ième siècle. Le castel de Rousses a été reconstruit et habité a partir 1716. Même lorsqu’il a été soumis à la question, c’est-à-dire à la torture le baron de Salgas a continué à récuser les accusations dont il été victime. Les  autorités royales avaient décidé de faire de lui un exemple pour décourager les nobles qui avaient pu soutenir la cause des camisards. Il devient galérien à l’âge de 57 ans, pendant 13 ans de 1703 à 1716. Il mourut à Genève en 1717 où il avait retrouvé sa femme.

Comme beaucoup d’autres, lors des guerres, cet homme a été obligé de prendre parti; ses convictions n’étant plus sujettes à des considérations d’ordre matériel, il a rejeté les compromissions, comme l’atteste sa vie exemplaire de chrétien huguenot, lorsqu’il devient le galérien n° 27996.

Ouvrages utilisés : la guerre des Cévennes d’Henri Bosc et d’autres récits.

Rousses le 1 octobre 2020  –  André Chabal