1755 Continuation de production contre les habitants de Carnac

Pour Jacques Rouquette syndic des habitants du lieu de Rousses contre les habitants de Carnac

[en constituant le cahier, les pages ont été inversées]

Depuis ce dessus les adversaires ont communiqué une réponse avec une continuation de production dont la copie est ci cotée ZZ.

Ils ont encore communiqué différentes reconnaissances dont les copies sont ci cotées lettres &&.

Les dernières écritures des adversaires ne contiennent que des objections captieuses dont il est aisé de faire connaître toute l’illusion par quelques observations courtes et solides

inutilement les adversaires répètent sans cesse qu’il n’y a jamais eu aucune compascuité entre les habitants de Rousses ni de Carnac.

On convient que cette compascuité n’est pas générale, mais peuvent ils nier qu’elle n’ait été toujours exécutée entre les parties pour les terroirs de Besset, Becedes, Poussiels et Avigneres. Cette compascuité est clairement prouvée par tous les actes du procès, notamment par la transaction de 1729 dont l’exécution ne peut pas être contestée et l’exposant a même offert de prouver cette exécution.

On voit par cet acte que les habitants de Rousses et de Carnac doivent jouir de la faculté de dépaissance dans le terroir d’Avigneres et n’y étant parlé que du terroir des Avigneres en général sans aucune désignation de propriétés que les habitants de Rousses et de Carnac peuvent y avoir. Il s’ensuit évidemment que cette faculté doit être la même dans toutes les parties de ce terroir. On n’en saurait changer l’établissement, ni la restreindre et limiter au préjudice des habitants de Rousses qui en ont eu la jouissance, soit avant et après la dite transaction de 1729, ainsi qu’on l’a établi dans l’instruction imprimée de l’exposant par des autorités précises qui ont resté sans réponse.

Les adversaires peuvent d’autant moins s’écarter des règles qui y sont prescrites qu’ils ont été forcés de convenir dans leur dernière réponse que les propriétés des habitants de Rousses et celles des habitants de Carnac dans le terroir des Avigneres ne forment qu’un seul et même terroir. Ils avaient longtemps contesté ce fait d’autant plus singulier, que personne n’ignore que les possessions des habitants d’une même paroisse dans le même terroir ne le changent, ni ne le multiplient et que c’est toujours le même terroir composé des fonds possédés par différents habitants.

Or s’il est constant ainsi qu’on n’en peut plus douter, que les propriétés des habitants de Rousses et de Carnac réunies ensemble forment l’entier terroir des Avigneres ne faut il pas nécessairement conclure que les habitants de Rousses doivent être maintenus au droit de dépaissance dans toute l’étendue de ce terroir comme ayant le même droit, et la même possession des habitants de Carnac.

Après cela qu’importe que les habitants de Montcamp aient des possessions dans le même terroir, dès que ces habitants ont toujours joui séparément de leurs fonds, et que n’étant point intervenus dans la transaction de 1729 ni dans aucun autre acte du procès, on ne peut pas dire qu’il y ait jamais eu aucune compascuité entre eux et les habitants de Rousses et de Carnac.

C’est donc un fait étranger, et d’autant plus indifférent qu’il ne s’agit au procès que de la compascuité réciproque des habitants de Rousses et de Carnac dans leur terroir des Avigneres qui comme on l’a dit si souvent ne forme qu’un seul et même terroir ainsi que les adversaires ont eux même convenu dans leur réponse après avoir donné trop longtemps des preuves de leur mauvaise foi par le déni de ce fait dont la vérité se démontre d’elle même

ces observations servent de réponse sur ce que les adversaires allèguent au sujet des possessions par eux reconnues ou compésiées dans le terroir des Avignères, qu’ils disent être situées dans le terroir de Carnac.

D’un coté ce fait fut-il vrai, il n’en serait pas moins certain que ces possessions font partie du terroir des Avigneres, et qu’étant réunies avec celles des habitants de Rousses, elles forment cet entier terroir ou les habitants des deux lieux ont toujours joui en commun de la faculté de dépaissance.

D’autre part, on ajoute que les possessions des habitants de Carnac dans le terroir des Avignères ne confronte pas le terroir de Carnac mais bien le terroir appelé las Calcliades après lequel on en trouve un autre appelé las Costils qui confronte celui appelé Calberte, et ce n’est qu’après ce dernier terroir que sont situés les fonds du village et terroir de Carnac. Ce sont des faits constants qui ne peuvent être déniés.

  1. ce n’est pas avec plus d’avantage que les adversaires observent que la dixme des fruits des Avigneres de Rousses se perçoit par le fermier de la dîme de la parcelle de Rousses, tout comme celle des adversaires par le fermier de la parcelle de la dîme de Carnac, et qu’il en est de même de celle de Montcamp.

Ces trois différentes parcelles ne font qu’une seule dimerie dépendante de la paroisse de Fraissinet. C’est le prieur de ce lieu qui pour son intérêt particulier a ainsi divisé cette dimerie et cette division devient absolument indifférente pour la fixation du terroir des Avigneres qui est toujours le même pour le droit de compascuité des habitants de Rousses et de Carnac quoiqu’il soit divisé pour la perception de la dîme.

c’est s’abuser de prétendre que parce que les habitants de Carnac sont chargés sur le compoids de plusieurs pièces dans différents terroirs, ces pièces ainsi compesiées fassent partie du terroir de Carnac. Il n’y a qu’un seul compoids dans le mandement de Rousses paroisse de Fraissinet qui comprend les villages de Rousses, Carnac, Montcamp, les Ablatas, et autres qui en sont une dépendance, et il n’est pas surprenant que chaque habitant ait compesié les articles le concernant, quoique les fonds en soient situés dans différents terroirs ou villages, et de là on ne saurait conclure que les Avigneres forment différents terroirs, quoiqu’on y trouve plusieurs pièces possédées par les habitants de différents lieux, ce sont au contraire toutes ces pièces qui réunies ensemble composent l’entier terroir des Avigneres ainsi qu’on l’a si souvent observé.

C’est en vain que sur le règlement demandé par l’exposant en la qualité qu’il procède, les adversaires reviennent à dire que ce n’est pas par le droit commun que la faculté de dépaissance leur est acquise mais bien par les titres qu’ils ont remis au procès, et notamment par la transaction de 1729.

En effet à quelque titre et sous quelque dénomination que les habitants de Carnac jouissent de cette faculté dans les différents terroirs dont il s’agit, ils n’en sont pas moins dans le cas de la compascuité, et du règlement prescrit par les arrêts de règlement du parlement de Toulouse, ainsi qu’on l’a démontré dans l’instruction imprimée de l’exposant.

La transaction de 1729, et les autres titres qui permettent aux habitants de Carnac de jouir de la faculté de dépaissance dans les différents terroirs ne peuvent s’entendre que des bestiaux que chacun de ses habitants peut avoir à proportion de son allivrement soit dans les terroirs dont il s’agit ou dans le lieu de Carnac. Il doit régner une égalité parfaite dans les sociétés de pâturages et ce serait contre les règles de la justice et de l’équité qu’il fut loisible aux habitants de Carnac d’abuser de la faculté qu’ils ont en vertu des titres qu’ils rapportent au préjudice de leurs voisins habitants de Rousses qui doivent incontestablement jouir de la même faculté.

les adversaires ont beau vétiller sur le bail du 13e mai 1460, ce n’est que dans le désespoir d’une cause désespérée qu’ils se sont avisés d’en demander la rejection, quoiqu’ils ne puissent pas douter de la sincérité de cet acte, d’où ils tirent eux mêmes leurs plus grands droits puisqu’il en est fait mention dans les titres qu’ils ont remis au procès, et pour faire mieux connaître combien leur prétention à cet égard est vaine et frivole, l’exposant rapporte un second extrait du même acte qui par son ancienneté mérite la foi la plus entière suivant la décision de Ranchin sur la question seconde de qui pap., le président Boyer décision 33 numéro 7 et autres auteurs cet acte ci coté lettre [sic]

Au surplus on abandonne au mépris plusieurs autres raisonnements des adversaires qui se détruisent d’eux mêmes, et qui sont suffisamment réfutés dans l’instruction imprimée de l’exposant, ou toutes les questions du procès sont mises dans le plus grand jour, et il serait inutile de s’y arrêter plus longtemps.

Persiste

le 23e mai 1755

sans retardation du jugement du procès

Capon, Boissier

Document transcrit par Gérard Caillat