Rousses Souvenir : Félix Andiaréna, après avoir vécu la Retirada, avait été adopté par le village
En ce début d’année 2019, on célèbre un peu partout la Retirada, ce grand mouvement d’exode au cours duquel, voici quatre-vingts ans, près de 500 000 Espagnols ont traversé les Pyrénées vers la France pour: fuir leur pays désormais sous le joug de Franco et des fascistes qui le soutenaient. En ce froid hiver 1939, ces pauvres familles ont connu la misère, le froid, le dénuement, la séparation (voir l’exposition aux Archives départementales de la Lozère). Force de la nature À Rousses, les habitants ont bien connu l’un des participants à cet exil forcé, devenu évident pour de nombreux Républicains espagnols. Né à Pampelonne le 11 juillet 1912, Félix Andiaréna (bien peu de gens ont connu son nom de famille…) a fui son pays et s’est retrouvé à Bordeaux. Il a notamment travaillé dans une entreprise de maçonnerie, dans des conditions de travail très dures. Ensuite, il a été embauché dans une entreprise forestière. Vers 1950, l’un des responsables de cette entreprise a ouvert un chantier à Rousses, et plusieurs ouvriers,
Félix Andiaréna était venu à Rousses couper du bois pour les traverses de chemin de fer.
Dont certains en famille, se sont installés ici. 11 s’agissait d’exploiter du hêtre dans le bois des Ablatas. Le bois, destiné à fabriquer des traverses de chemin de fer, était acheminé par un câble jusqu’au village. Beaucoup se souviennent encore du portique construit au-dessus de la route pour éviter tout accident au passage des bal-lots de bois. Ceux-ci étaient ensuite sciés par une scie à ruban mue par une locomotive à vapeur. Le matériau, chargé sur des camions, était alors acheminé vers la gare de Florac. Félix faisait partie du personnel de l’entreprise : il abattait les arbres tout au long de la journée. C’était une force de la nature, un travailleur infatigable. Après l’arrêt de cette exploitation, en 1954-1955, Félix est resté à Rousses, au hameau des Ablatats, et il a travaillé à la journée, chez des agriculteurs notamment. Vingt ans plus tard, il s’est installé à Rousses, à l’emplacement du restaurant actuel, où il s’est occupé d’une personne âgée jusqu’à son décès. Les enfants de l’école se souviennent de lui, car il leur achetait des bonbons. Félix aimait bavarder ou partager un coup à boire avec tous ceux qui passaient par là, mais il avait une langue bien à lui, mêlant français, espagnol et un zeste d’occitan, ce qui déstabilisait parfois ceux qui ne le connaissaient pas bien. Il gardait le lien avec sa famille, restée en Espagne, qui venait parfois le voir, mais quant à lui, même après la disparition de Franco, il n’a jamais voulu retourner dans son pays, doutant de son évolution. Mais il parlait peu de son parcours. 11 avait été adopté par le village qui connaissait ses grands éclats de rire comme ses sautes d’humeur et ses coups de gueule. Frappé par la maladie, il s’est éteint après quelques jours d’hospitalisation, en 1996. Mais tous ceux qui l’ont connu gardent avec affection son souvenir. « Pop, pop, pop ! »
Correspondante Midi libre